dimanche 29 octobre 2006

Curiosités socio-architecturales

J'ai un vieil ami architecte. Il fêtait son anniversaire il y a quelques jours. Il habite actuellement à Paris, après avoir grandi, avec moi, dans les rues de Beyrouth, et avoir émigré en Europe à l'âge de 17 ans. Aujourd'hui, c'est mon pote de toujours et je suis vaguement déçue de ne lui avoir souhaité son anniversaire qu'au téléphone : la distance qui sépare deux arrondissements de Paris, en cours de semaine, me semble parfois infiniment plus grande que celle qui sépare Paris de Beyrouth.
A Beyrouth, les choses auraient été plus simples. Pourquoi, je ne saurais le dire. Mais à Beyrouth, je sais que je n'aurais pas attendu le week end pour embrasser un ami d'enfance. Parfois, je rêve simplement d'avoir tous mes amis réunis dans une même ville. De ne plus nous savoir éclatés aux quatre coins du monde : Tokyo, Montréal, New York, Atlanta, Mexico, Londres, Paris, Bruxelles, Prague, le bout d'habit... et Beyrouth. Dans chacune de ces villes, il y a au moins une voix que j'aime. Ces voix, qui restent longtemps muettes ou purement électoniques, prennent parfois corps, de façon plus ou moins inattendue, au gré des déplacements des uns et des autres. Ces dernières années, le développement de la voix sur IP, des Skype, msn, Freebox et autres bijoux de la technologie, ont rendu la distance plus supportable, et ces voix du bout du monde se font plus régulièrement entendre : elles émanent souvent de mon ordinateur, et chauffent mon chez-moi d'une amitié tout à coup moins virtuelle, que nous tentons tous de préserver de l'épreuve terrible du temps et de la distance. Pour nous, nomades du XXIe siècle, entre l'envie de se fixer quelque part et la réalisation de cette même envie, une ou plusieurs tranches de vie se seront généralement écoulées. Et entre les deux, il y aura eu des hésitations de toute sorte, des aller-retours incessants vers Beyrouth, des échanges, des déchirements et des retrouvailles innombrables.
A mon ami architecte et parisien, en attendant de partager le brunch du dimanche, j'aimerais offrir ces deux curiosités socio-architecturales qui m'ont fait réfléchir ce dernier mois.
La première est une église londonienne, récemment reconvertie en habitation. Le concept est assez stupéfiant puisqu'il consacre le fait que la notion du "sacré" est changeante dans l'espace et le temps. Sur Findaproperty.com, pour 250£ par semaine (1.500€ le mois), il est possible de louer un "neutrally decorated one bedroom apartment in this well maintained church conversion only minutes from Angel underground and Upper Street". Récemment de passage à Londres, j'avais pu attester de mes propres yeux l'existence de cette église. A Milan, il y a quelques années, nous avions pris un verre dans un bâtiment religieux reconverti en bar. Nous vivons décidément dans un monde à deux vitesses.
La deuxième curiosité est une toilette publique, quelque part en Suisse. A première vue, la construction est anodine, et ressemble à ce que l'on croise encore, de temps en temps, dans les rues de Paris, à cette différence près que les parois extérieures de la cabine sont en miroir plutôt qu'en béton. Mais une fois à l'intérieur, on réalise que l'on peut observer l'extérieur, et voir sans pour autant être vu. La situation est d'autant plus troublante qu'elle relève, autour du puissant concept de l'intimité, des notions relatives et changeantes...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

A Beyrouth on n'attend pas le WE pour pouvoir rencontrer les copains... Oui, l'explication est toute simple, Beyrouth, et le en Liban entier, sont tout petit, et on travaille moins... C'est fou ce que la taille d'un pays peut façonner la mentalité des gens et la façon de vivre !
A propos des toilettes, j'aurais du mal là-dedans, héhé...
MCM

Anonyme a dit…

On peut commenter les deux derniers textes ? Ils sont excellents. Bravo nadche. Sur les nomades modernes, c'est très bien, mais sur le franbanais, c'est tout à fait remarquable. Tu devrais, Nadche, te faire écrivain, comme je le disais aussi à l'autre zig. Les blogs, c'est bien, mais le temps que vous y mettez pourait peut-être servir à faire une oeuvre plus consistante, non ?

Anonyme a dit…

Chere Nad,
Nous partageons ce sentiment de deracinement. Mes amis sont aussi aux quatres coins du monde, et souvent, c'est plus facile de ne pas y penser. Cependant, meme si le monde se "globalise", j'ai l'impression aujourd'hui que les gens se "localisent". Les communautes et centres urbains prennent de plus en plus d'importance, permettant aux gens d'assouvir leur besoin inne d'association.