samedi 9 septembre 2006

Faleminderit

From Budapest airport.
Faleminderit signifie merci en albanais. Pendant la semaine que j'ai passée au Kosovo, je me suis sans cesse étonnée que ce mot, d'usage si courant, soit si long. Dans la majorité des langues que je connais, on se contente généralement de 2 syllabes : mer-ci, thank-you, chouk-ran, gra-zie, gra-cias, dan-ke, et récemment, hva-la. Ailleurs, on peut donc remercier du bout des lèvres, sans même regarder. A Prishtinë, les 5 syllabes de
fa-le-min-de-rit vous obligent à prendre le temps, et à sourire. Freelang me propose une traduction de "merci" dans toutes langues du monde. Je suis ravie : dorénavant, je pourrai mieux préparer mes voyages.
L'inventivité des cafés, des bars et des restaurants de Prishtinë m'a fait penser à celle de Beyrouth. Hier soir, je suis retournée savourer un dernier capuccino au Stripdepo, après m'être assurée qu'il s'agit bien d'un café fréquenté par les kosovars. J'adore avoir de petites habitudes, et plonger dans des ambiances authentiques. J'ai beaucoup rigolé en lisant Calvin & Hobbes.
Avant-hier, nous avons migré de l'hôtel Iliria vers le plus récent Begolli,
situé dans un quartier plus populaire, et dont la pancarte en néon indique trois étoiles et un plus. Ce matin, j'ai fait un dernier tour de la ville, prenant de nombreuses photos, surtout au marché, véritable souk en plein air. En rentrant, un vieil homme à la peau tannée et ridée, embrassait tendrement sa petite-fille, toute blonde, assise sur ses genoux. Je me suis arrêtée. Ma fascination et mon gros Canon a interrompu leur manège. Je me suis éloignée sans oser prendre de photo.
Mais dans toute cette diversité culturelle, dans laquelle il me plaît de baigner, il y a une chose à laquelle je ne me suis pas encore faite : le passage en douceur du système décimal au système duodécimal. Toute jeune écolière, je garde un souvenir vivace de 1984 et de cette classe de 10e, commencée dans mon école, et finie dans les salles de réunion d'un complexe balnéaire où nous nous étions réfugiés, au nord de Beyrouth. Là, je m'étais retrouvée avec d'autres élèves, d'autres professeurs, et des maths qui ressemblaient plus à du charabia qu'à ce que je connaissais. Au bout de quelques jours, une femme, de toute évidence agacée, me demande brutalement : "Mais enfin... ! Tu ne sais pas compter en base 3 ?". J'ai dû fouiller dans ma mémoire pour retrouver le mot "base", mais ma sensation du moment, mélange de peur et d'incompréhension, est restée là. Non, je ne connaissais pas la base 3, je ne connaissais que la base 10, et j'ignorais encore ce qu'étaient les bases de numération arithmétiques. Aujourd'hui, je connais mieux les différences entre les systèmes français et anglais. A Londres, les premiers comptables anglais comptaient 12 phalanges, au moyen du pouce de la même main. A Paris, les premiers comptables comptaient 5 doigts, au moyen de l'index de la deuxième main. Depuis, la date d'invention de ces premiers gestes s'est perdue dans la nuit des temps, mais à chaque fois que je passe d'un système à l'autre, mon cerveau hésite systématiquement à égaliser TRImestre avec QUARTer, soit trois mois avec un quart d'année.
Ce matin, un peu comme une revanche, j'ai envoyé à la même adresse deux cartes postales plutôt qu'une : le blocus aérien et maritime sur mon pays est enfin levé. Sur BBC, j'ai vu un avion de la MEA se poser à Beyrouth, avec un drapeau libanais brandi par le hublot. J'étais à la fois heureuse, et étonnée de savoir que, sur un avion de ligne, le pilote pouvait ouvrir sa fenêtre.
Le jour même, Le Monde (07/09/06) publiait cette phrase de John Le Carré, auteur dont je sais peu de chose hormis le fait que je vois ses livres dans nombre d'aéroports.
"Quand vous tuez cent civils innocents et un terroriste, est-ce que vous gagnez ou perdez la guerre contre le terrorisme ?"
Wikipédia m'apprend qu'il est l'auteur de The constant gardener, adapté dans un film beau et terrible, que j'ai vu avant de partir en Ouganda, il y a (déjà) 4 mois.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Moi aussi j'étais étonnée de voir le pilote ouvrir la fenêtre de son avion de ligne, et ce , en roulant !!!!!!
Mais que d'émotion dans ce geste... Quand j'en ai parlé à ma voisine en France, ça ne lui a fait ni chaud ni froid, bof quoi!!!

MC

sangli a dit…

concernant le système de poids et mesures anglo-saxons en base 12, il vient de l'occupation romaine en grande-bretagne, et les romains l'ont eux-même emprunté quelque part du côté de la Mésopotamie. :-)

De la à prétendre que de perdre la guerre est une source d'enrichissement culturel, il y a un pas que je ne franchirai pas. :-)