samedi 5 août 2006

From Mazen to UAE

Pour ceux qui s'indignent de la censure de Kerblog aux Emirats, je suggère (en accord avec Mazen) que nous remplissions ladite "Feedback Form" sur le site du fournisseur d'accès émirati. Peut-être (peut-être) que des milliers de commentaires pourraient le faire réfléchir à un changement de politique... ?
Il faut disposer d'un username / password pour enregistrer une plainte "officielle", mais il est possible d'envoyer un commentaire à partir du lien suivant :
Faisons-le, en dépit de la note de bas de page :
"Please note : You can't report a complaint in this section and if you did, your complaint resolution will take a long time and might not be directed to the relevant department".
Il semblerait que ce ne soit pas directement Kerblog qui soit visé, mais Flickr, qui héberge les dessins. Dans tous les cas, mieux vaut se plaindre que se taire.
Mazen se charge du back-up du site et de son hébergement sur d'autres sites, non censurés, eux.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Article interessant paru dans le Nouvel Obs du 3 Aout :

Le point de vue d'une Libanaise

Lettre à des Israéliens

« Que vous a rapporté votre inflexibilité ? La terreur aux portes de vos maisons, un univers enfermé, hostile à toute différence : le contraire de la pensée juive universelle qui nous a tant donné » par Dominique Eddé

Vos choix, à l'heure qu'il est, nous concernent tous. Je m'adresse ici à ceux d'entre vous qui approuvent cette guerre. Plus de 80% du peuple israélien. Au nom de votre sécurité, vous avez donné à vos gouvernants le droit de mettre à terre deux peuples et deux pays, la Palestine et le Liban. Sur quoi se fonde votre confiance renouvelée dans le pouvoir des bombes ? En quoi cette vision de soi sans l'autre est-elle une manière d'affronter la réalité, de protéger votre avenir ?
Si seulement vous saviez le montant de violence et de haine que sèment vos chars et vos avions, si vous saviez le long chemin que tant d'entre nous, vos voisins, ont fait pour vous comprendre, vous connaître, vous reconnaître, vous auriez peur de votre peur, peur du fourvoiement qu'elle vous inspire. Vous useriez de la force écrasante qui est la vôtre pour ne confier la paix qu'à l'application du droit : au retrait de vos troupes de tous les territoires occupés, au démantèlement de toutes les colonies, au respect de la légitimité du gouvernement palestinien. Le recours à la toute-puissance militaire ne vous a-t-il pas donné la preuve en Palestine, ainsi qu'à vos alliés américains en Irak, de son impuissance à mettre la réalité au pas de vos désirs ? Vos gouvernants ont beau mettre le feu au paysage qui vous effraie, plus ce paysage brûle, plus il vous fait peur.
La réalité que vos chars et vos avions prennent pour cible - vies humaines, maisons, routes, villes et villages -, à peine l'avez-vous démolie qu'elle vous échappe. Si tangible, si spectaculaire soit-elle, la conquête qui est à la portée de vos soldats est un leurre. C'est, certes, une domination de l'espace, mais le temps ? Comment espérez-vous l'atteindre ? C'est pourtant lui votre ennemi, c'est lui qu'il vous faut amadouer, apprivoiser. Car cet espace, quoi que vous fassiez, est habité par un monde qui survit à ses morts et qui n'est pas le vôtre. Plus vous le détruisez, le rasez, l'effacez, plus sa mémoire grandit et se transforme en haine. D'elle, de cette mémoire embrasée, vous ne pourrez jamais vous faire obéir. Si loin soit-elle de la vôtre, plus rien ne sert de la nier et de lui faire porter le crime qui fut perpétré contre votre peuple. Ce n'est pas ici, c'est en Europe que le peuple juif a enduré l'horreur. Et c'est encore là-bas qu'un certain nombre de vos alliés, au prétexte de vous défendre, ne soutiennent vos guerres que pour mieux s'acquitter de leur culpabilité. Ne vous laissez pas berner par le silence approbateur du monde. Ralliez plutôt vos dissidents qui seront un jour l'honneur de votre histoire.
Les mouvements islamistes vous font peur ? Le Hamas et le Hezbollah vous menacent ? Il vous faut en finir, les rayer de la carte, les arracher comme des arbres, jusqu'aux dernières de leurs racines ? Vous ne pouvez pas, vous ne pourrez pas y parvenir. Voyez l'Irak démembré, décomposé, soumis depuis trois ans au rythme quotidien de ses plusieurs dizaines de morts et de blessés. Voyez maintenant le Liban, sur lequel votre armée s'acharne de tous côtés. Quel trophée vous attend à l'horizon des morts et de l'exode que vous causez ? Aucun. La presque totalité de la population chiite libanaise - soit près de 40% du peuple - soutient le Hezbollah, qui, souvenez-vous, est né en 1982 pour résister à la première invasion du Liban par vos troupes. Depuis, ce n'est plus seulement un parti armé, c'est une organisation sociale, politique, économique, un mode de pensée, une force incontournable.
Celle-ci, bien qu'alliée à l'Iran, n'est en aucun cas un corps étranger au Liban, elle en est désormais, que cela vous plaise, que cela nous plaise ou pas, une partie constituante, déterminante. Rêver son éradication à coups de bombes, c'est rêver de faire marcher un homme en lui coupant les jambes. C'est aussi exposer le Liban aux risques d'une nouvelle guerre civile. Seul le temps - encore lui - permettait, aurait peut-être permis, le lent réajustement des équilibres interlibanais. Votre Etat n'a cessé d'essayer, durant les cinquante-huit ans de son histoire, de troquer l'application du droit contre celle de la force. En est-il plus avancé ?
A présent, faisons les comptes. Mettons provisoirement de côté la souffrance endurée, une décennie après l'autre, par les Palestiniens, oublions un instant le droit du Liban, à n'être pas qu'un champ de ruines, qu'avez-vous gagné, vous, peuple israélien, à ne renoncer à rien ? Ou alors, si, soyons juste, vous avez renoncé au Grand Israël, mais en échange de quoi ? De quel territoire morcelé, de quelle invivable prison pour les Palestiniens ? Et pour finir, que vous a rapporté votre inflexibilité ? Quoi d'autre que la terreur aux portes de vos maisons ? Quoi de plus qu'un univers enfermé, hostile à toute différence : le contraire de la pensée juive universelle qui nous a tant donné ?
Vos ennemis de la veille - les Arabes - sont défaits, totalement défaits. Ce monde qu'on appelait « le monde arabe » et que vous perceviez, de loin, comme la pire des menaces, il n'est plus que l'ombre de lui-même. Son peu d'existence, il ne la doit plus désormais qu'à sa langue, qui, soit dit en passant, n'est pas sans rapport avec la vôtre. Ses autres liens et ressorts n'ont plus d'existence. Ils sont politiquement morts. Ni les guerres du Golfe, ni les guerres du Liban et de l'Algérie, ni celles de la Palestine et de l'Irak, ni, aujourd'hui, votre réinvasion de ce pays harcelé qui est le mien, n'ont provoqué le moindre mouvement de solidarité arabe.
Certains d'entre vous y voient peut-être le signe d'une première victoire. Ils auraient tort. Car ce monde vaincu, fini, décomposé, a donné à Israël, ainsi qu'aux grandes puissances, la mauvaise habitude de marcher au rythme et à la cadence que ceux-ci leur imposaient. Bon gré mal gré, il a, depuis la fin de l'Empire ottoman, réglé sa montre à l'heure occidentale, adopté un calendrier qui n'était pas le sien. Cette marche forcée ne fut pas, loin de là, le seul motif de ses naufrages mais elle y a contribué. Quoi qu'il en soit, le religieux, revenu en force sur la scène politique, a pris désormais le relais de l'arabisme. Et ce nouvel Orient déboussolé est, encore une fois, bien trop compliqué pour se laisser forger comme du métal par la seule volonté du couple israélo-américain et par le feu des bombes.
La plupart des régimes arabes, que n'épuise aucun adjectif - répressifs, mensongers, traîtres et corrompus -, sont en état de survie artificielle. C'est l'islamisme qui prend désormais un peu partout, sous des formes diverses, le relais de l'arabisme. Ce fait vous déplaît ? A bien d'entre nous aussi, figurez-vous. Quand je dis « nous », je pense à tous ceux qui, dans les pays arabes, se sont battus en faveur d'une citoyenneté qui transcende les appartenances communautaires. Pour des millions d'hommes, ce raz de marée signe une énorme défaite. Il n'empêche : le principe de réalité n'est pas une image que l'on efface en appuyant sur la gâchette.
Les équilibres ou les déséquilibres au sein de l'Islam, est-ce à vous ou est-ce aux musulmans eux-mêmes d'en décider ? Car le temps des islamistes, je me répète, n'est plus à la merci du vôtre. Vous aurez beau poursuivre leurs hommes de ville en ville, de pays en pays, les heures et les années qui sont les leurs n'ont plus de comptes à vous rendre. Tendez l'oreille, et comparez les discours arabes du siècle dernier avec ceux des actuels chefs religieux. Le débit des premiers est pressé, survolté, branché sur l'Occident, le second est lent, calme, indifférent à vos sommations, à vos ultimatums. Les islamistes ont donné un énorme coup de frein à la marche de l'histoire. Contre cette nouvelle horloge, vos bombes ne peuvent rien.
Votre compréhension, en revanche, votre juste appréciation du court et du long terme peut initier un mouvement qui protège vos droits sans détruire les nôtres ; mieux : qui fasse de votre pays un pôle autour duquel se rallier, une démocratie ouverte et non pas un vase clos fondé sur la conscience abusive d'une supériorité intrinsèque. Le pari est risqué ? Certes. Il est déjà trop tard ? Peut-être. Mais y a-t-il une autre voie qui ne soit suicidaire ?


Née à Beyrouth, Dominique Eddé, qui vit aujourd'hui à Paris, a publié en 1989 « Lettre posthume » chez Gallimard, puis, en 1992, « Beyrouth centre-ville » (Cyprès) et, en 1999, « Pourquoi il fait si sombre ? » (Seuil). Son dernier roman, « Cerf-volant », a été publié en 2003 dans la collection l'Arpenteur chez Gallimard.

Dominique Eddé

Anonyme a dit…

Interessant mais ne touchant personne en Israel :

L'opinion d'un Israélien dans Haaretz

Jours de ténèbres

La dévastation que nous semons aujourd'hui au Liban ne touche personne ici et, pour l'essentiel, n'est même pas montrée aux Israéliens, constate l'éditorialiste de « Haaretz », qui déplore le ralliement de la gauche au consensus guerrier par Gideon Levy

A la guerre comme à la guerre : Israël est en train de sombrer dans une atmosphère de nationalisme véhément dont les ténèbres commencent à tout obscurcir. Les freins dont nous disposions sont en train de s'user, l'insensibilité et l'aveuglement qui caractérisent la société israélienne depuis quelques années s'aggravent. Le front intérieur est coupé en deux : le nord souffre, le centre est serein. Mais les deux ont succombé aux accents du chauvinisme, du refus de la pitié, de la vengeance, et les voix de l'extrémisme, qui caractérisaient autrefois les marges de la société politique, expriment désormais son coeur. Une fois de plus, la gauche est perdue, drapée dans son silence ou « admettant des erreurs ». Israël exhibe un seul visage : celui du nationalisme.
La dévastation que nous semons aujourd'hui au Liban ne touche personne ici et, pour l'essentiel, n'est même pas montrée aux Israéliens. Ceux qui veulent savoir à quoi ressemble Tyr ces jours-ci doivent se tourner vers les chaînes étrangères : de ce qui se passe là-bas, la BBC nous rapporte des images effrayantes, des images que nous ne voyons pas ici. Comment pouvons-nous ne pas être choqués par la souffrance que nous infligeons aux autres même quand, chez nous, le nord souffre aussi ? Et la mort que nous continuons à semer, pendant ce temps à Gaza - 120 morts depuis l'enlèvement de Gilat Shalit, 27 en une seule journée, l'autre mercredi - nous touche encore moins. Les hôpitaux de Gaza sont pleins d'enfants brûlés, qui s'en soucie ? Les ténèbres de la guerre dans le nord les recouvrent aussi.
Depuis que nous acceptons de considérer les punitions collectives comme une arme légitime, il n'y a plus de raison de s'étonner que la cruelle punition que nous infligeons au Liban pour les actions du Hezbollah n'ait pas donné lieu à la moindre discussion. Si c'est acceptable à Naplouse, pourquoi pas à Beyrouth ? Les seules critiques que l'on peut entendre à propos de cette guerre concernent la tactique. Chacun est général, désormais, et pousse l'armée à intensifier ses activités. Commentateurs, ex-généraux et politiciens se disputent les propositions les plus extrêmes. [...]
Le chauvinisme et l'appétit de vengeance relèvent la tête. Il y a deux semaines, seuls des illuminés comme le rabbin Shmuel Eliyahu, de Safed, parlaient d'«anéantir tout village depuis lequel une Katioucha est tirée». Maintenant, un officier supérieur des Forces de défense d'Israël s'exprime dans les mêmes termes à la une du « Yediot Aharonot ». Il se peut que nous n'ayons pas encore anéanti de village libanais, mais nous avons depuis longtemps effacé nos propres lignes rouges.
Haïm Avraham, un père en proie au chagrin depuis la mort de son fils kidnappé et tué par le Hezbollah en octobre 2000, tire un obus sur le Liban, pour les journalistes. En signe de vengeance. L'image de cet homme étreignant un obus « décoré » est l'une des plus honteuses de cette guerre. Et ce n'est pas la première. Un groupe de jeunes filles a aussi été photographié en train d'écrire des slogans sur des obus. [...]
Le Liban, qui n'a jamais combattu Israël, qui possède 40 quotidiens, 42 établissements d'enseignement supérieur, et des centaines de banques, est en train d'être détruit par nos avions et nos canons, et personne ne mesure la quantité de haine que nous semons. Aux yeux de l'opinion publique internationale, Israël est devenu un monstre, et cela aussi, il faudra l'inscrire au débit de cette guerre. Israël a été souillé par cette guerre. Une souillure morale qu'il ne sera pas facile d'effacer. Et que nous nous contentons de ne pas vouloir voir. Le peuple veut une victoire, et personne ne sait à quoi elle pourrait ressembler et quel prix nous devrons la payer.
La gauche sioniste, elle aussi, s'est montrée coupée de la réalité, dans cette affaire. Comme à chaque moment difficile par le passé - lors des deux intifadas, par exemple - elle a été absente au moment précis où sa voix était si nécessaire pour faire contre-poids à la véhémence des tambours de guerre. A quoi sert une gauche si, face à chaque épreuve, elle joint sa voix au concert national ? La Paix maintenant est silencieuse, tout comme le Meretz [...]. Seule l'extrême-gauche fait entendre sa voix, mais c'est une voix que personne n'écoute.
Avant même que l'issue de cette guerre ne soit tranchée, il est déjà évident que son coût exorbitant inclura le prix de ces ténèbres morales qui nous recouvrent aujourd'hui, aussi menaçantes pour notre existence et notre image que les Katiouchas du Hezbollah.
© « Haaretz »

par Gideon Levy

Anonyme a dit…

Le message de Dominique est vrai et émouvant.Je fais aussi partie de ceux qui veulent la paix tout comme Gédéon.
D'ailleurs bravo à lui pour avoir donné un point de vue sans "langue de bois", sans haine et aigreur en décrivant une réalité israëlienne que je connais aussi. Rabin a malheureusement emporté avec lui une "certaine idée d'Israël et de la paix".Je ne veux pas me rallier à ceux qui sèment la peur, la mort et la destruction ils sont déjà assez nombreux et c'est très triste. Je veux juste dire que mon plus grand souhait serait que ce cauchemar s'arrête, que les peuples raisonnent par eux-mêmes, qu'ils ne se laissent plus dicter leurs actes et leurs émotions.Je suis de tout coeur et sincèrement avec vous.Je milite pour la paix et prie pour que le Liban, pays de culture millénaire, pays de démocratie, de poètes et de traditions, ouvert, généreux et chaleureux ne souffrent plus jamais.
j'aime le Liban, j'y ai des amis, de la famille par alliance et je souffre de ne pouvoir les aider sinon par des gestes humanitaires, des blogs accueillants etc...
Courage, le printemps refleurira à Beyrouth, reste à convaincre les militaires et surtout leurs chefs de ne pas raisonner uniquement avec des chars d'assaut et la grosse artillerie.Nous sommes quelques uns à tenter le pari. Bien à vous