jeudi 27 juillet 2006

Toutes les guerres ont une fin

Les avions israéliens ont survolé Beyrouth à si basse altitude que j'ai dû hausser le son de la télé. Comme prévu, la conférence de Rome n'a engendré aucun résultat concret : Condie a parlé de "sustainable cease-fire" comme elle aurait donné un cours de management sur le "sustainable growth". La LBC a remplacé ses cartes planes par un Google Earth interactif qui lui permet de zoomer sur les zones de son choix : à ce détail près que Google reconnaît l'Etat d'Israël, alors que les cartes libanaises font mention, à la frontière Sud, de la "Palestine occupée". Petite terre, vaste débat.
Les combats font rage dans le triangle Maroun el Ras, Bent Jbeil et Aytaroun. Pendant qu'Israël prévenait les familles de ses 9 soldats morts au champ de bataille, Tyr a fait l'objet d'un bombardement qui a détruit un immeuble résidentiel en plein centre-ville. Quand je dis "détruit", il faut vraiment penser à Ground zero : de l'immeuble, de ce et de ceux qui s'y trouvaient, il ne reste qu'un amas de débris grisâtres. Les déflagrations "sensiblement plus fortes" dont j'ai fait mention hier correspondaient, semble-t-il, à 24 obus tombés en l'espace d'une à deux minutes sur 9 immeubles de Dahyé. J'ai essayé de les imaginer s'abattant sur mon quartier : j'ai observé l'aiguille des secondes de ma montre, et j'ai religieusement compté 5 secondes entre deux déflagrations ; je n'ai pas pu en dépasser 15.
4 casques bleus sont morts dans la première "bavure" de Tsahal, qui a bombardé une position de l'ONU à Khiam. Anan s'est emporté, Israël a déploré un "accident malheureux", et Condie est restée inflexible. Les civils, eux, ne sont pas considérés comme autant de malheureux accidents. Pour faire monter la larme à l'oeil, et imiter certains journaux, je pourrais dire "les vieux, les femmes et les enfants" - comme si, dans ces circonstances, la mort d'un homme dans la force de l'âge était plus acceptable. Deux camions ont été bombardés sur la route de Dhour el Choueir ce soir : je pensais l'emprunter ces deux jours pour rejoindre Damas, puis Paris. Je dois être totalement inconsciente : ça me laisse de glace. Il me trouble plus de savoir qu'à Ain Ebel, les habitants boivent désormais l'eau du bassin d'irrigation.
D'un côté et de l'autre de la frontière, la vie "normale" s'est arrêtée. Certes, les pertes libanaises sont incomparablement plus lourdes, mais je me demande si Haifa ressemble aussi à une ville fantôme en ce moment. Sur les images, c'est simplement une autre ville méditerranéenne, avec du vert, la mer, et pas mal de béton. Quand je pense que mon propre père a visité Jérusalem dans sa jeunesse, je me demande combien de temps durera encore la haine des uns contre les autres. Après tout, l'Histoire ne connaît aucune guerre éternelle, fut-elle sainte. La paix n'est pas encore envisageable, mais elle viendra inévitablement un jour. Combien de sang aura coulé d'ici là ?
Bien loin de cet avenir meilleur, la situation actuelle se prépare, hélas, à durer. Les aides affluent de toutes parts : le téléthon saoudien a déjà permis de lever 27 M$ pour le Liban ; 3 avions jordaniens transportant des produits médicaux ont eu l'autorisation d'atterrir aujourd'hui ; 200 étudiants iraniens ont promis de venir, à travers la Turquie et la Syrie, prêter main forte au Hezb. Pour anéantir les bunkers (mais combien de bunkers inexistants seront ciblés ?), des obus made in USA, et capables de transpercer plusieurs mètres sous le sol sont en route vers Israël via le Qatar (à confirmer). Je déplore la continuelle duplicité politique des Etats.
Interviewé après avoir été blessé, un vieil homme de Saïda, dont la hajjé (ie, la femme) souffre de fractures diverses, a eu une grande phrase :
"Nous ne détestons ni les juifs, ni les chiites, ni les druzes.
ديننا لله و الوطن للجميع "
(Dinouna lillah wa-l watan liljami3 - Notre religion appartient à Dieu, et le pays à tout le monde).
Dans tout ça, et pour garder la ville propre, Sukleen (société en charge de la collecte des ordures) recrute.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Courage.