mardi 25 juillet 2006

From Condie to Pepsi... et la troisième voie

A Beyrouth, la nuit est tranquille. La journée l'a également été, enregistrant même un pic d'activité en fin de matinée. Comme si 48h d'un calme tout relatif suffisaient à remettre la machine économique en branle.
L'espoir commencerait-il à poindre ? La visite, que l'on n'espérait plus, d'une Condie souriante (je me demande bien pourquoi) à un Siniora crispé et à un Berry porte-parole du Hezb (dont le Secrétaire Général est invisible) laisse supposer que les négociations sont entamées. Pourtant, à l'issue des entretiens, il n'y eu de commentaire ni d'une part ni de l'autre. Les médias ont toutefois laissé entrevoir les principaux points des accords :
1. Etablissement d'un cessez-le-feu
2. Echange des prisonniers
3. Retour des réfugiés
4. Déploiement d'une force internationale à la frontière Sud
5. Résolution de la crise identitaire des fermes de Chebaa
Le hic, c'est que les uns sont partisans d'une application en 1-2-3-4-5, et les autres d'une application en 2-1-5-3-4, de préférence en deux étapes. Je n'ai pas compté toutes les combinaisons possibles, mais j'ai compris qu'il y en aurait encore pour un moment.
Chaque chaîne télévisée a baptisé l'agression israélienne à sa manière : La Future dénonce La guerre contre le Liban ; Al Manar annonce La guerre ouverte ; la LBC, qui ne diffuse plus qu'à travers son relais satellite, titre La guerre de Juillet 2006. Pour cette optimiste dernière, je me demande ce qui se passera si la situation se prolonge de plus d'une semaine. En ville, les pronostics pullulent : de "plus que 3-4 jours" à "plus que 2-3 semaines", personne ne conçoit que les choses s'éternisent ainsi. Ceux qui ont des certitudes absolues quant à l'avenir m'amusent et m'agacent à la fois.
Depuis deux jours, l'essentiel des nouvelles se résume à nouveau en 30 minutes. La guerre de l'information et de la désinformation continue, les chaînes les plus neutres reportant les divergences d'opinion : "Un hélicoptère israélien s'est écrasé, provoquant la mort des deux pilotes. Le Hezbollah crie victoire. Israël invoque un accident contre des câbles électriques".
Des missiles de type Raad II (ie, Tonnerre II, traduction arabe du nom d'origine en iranien) se sont abattus sur le nord d'Israël. Tout le monde se demande où sont les grandes surprises que le Sayyed a promises. Un officier israélien a annoncé que 10 immeubles seraient désormais démolis à Dahyé pour chaque roquette qui tomberait sur Haifa. Nous craignions donc une nuit agitée. Peut-être que le décompte ne commencera que demain ?
Hariri Jr, qui n'a décidément ni la prestance ni le charisme de feu son père, a rencontré Javier Solana à Bruxelles. Il a conclu : "We don't want another war on Lebanon". J'ai pensé à Cyrano : un peu tard, jeune homme !
Les forces de la FINUL devaient finir leur mandat à la fin du mois. Actuellement, leur mission se résume à : "Observe and report what is happening".
Une usine d'éponges a brûlé, alors que l'on manque cruellement de matelas. Le pont qui relie Hazmieh à l'aéroport de Beyrouth a posé un premier genou à terre.
L'inflation des prix du transport continue. Les conducteurs demandent désormais une prime de risque dont personne ne songe à les priver. Un nouveau camion pulvérisé à Kfarchima a définitivement banni l'usage des gros véhicules. Adieu les économies d'échelle : il faut à présent compter 500$ au lieu de 80$ pour se faire livrer sa marchandise du port par petits paquets.
Entre temps, l'axe du mal iranien lance une campagne encourageant le boycott des produits sionistes. J'ai ainsi appris que Pepsi signifie en fait : "Pay Each Penny to Save Israël". Pourtant, la boisson a été créée en 1893 (1890 A.D. dans Wikipedia Farsi) : c'est sans doute la preuve indubitable de l'ancienneté du complot sioniste. Chez nous, une réfugiée du Sud à Baalbeck, puis de Baalbeck à Beyrouth clame : "Dieu nous garde Sayyed Hassan". Elle portait une chemise noire, avec un grand Mickey imprimé sur la poitrine. De tous ces amalgames, je ris, je ris...
Dans ce conflit qui ruine mon pays, je réalise que je ne soutiens aucun des belligérants. Je n'ai rien contre les chiites, ni rien contre les juifs. Je fais partie d'une nouvelle génération qui pourrait tirer un trait sur le passé : aussi bien que je refuse de voir en tout musulman un islamiste, je refuse d'en vouloir aux petits israéliens d'être nés, comme moi, sur cette terre. Mais je n'aime ni les combattants de Dieu et leur culture de la mort, ni les soldats de Tsahal et leur application sauvage de la loi du Talion. Pendant ces 13 derniers jours, j'ai enragé de voir mon gouvernement otage d'une milice trop forte, autant que j'ai été révulsée de voir de petites israéliennes marquer "To Lebanon with love" sur des obus qui m'étaient destinés.
Au risque d'être naïve, je trouve simpliste de déclarer, post 9/11 : "You are either with us or you are against us". Aujourd'hui donc, comme la majorité de mes concitoyens, je cherche une troisième voie.

A Beyrouth, sciemment ou pas, la campagne publicitaire de la banque Audi promet :
(Mahma talabbadat el ghouyoum, sata3oudou chams Loubnan - ie, malgré les nuages, le soleil du Liban reviendra).
Et en dépit de tout, moi, j'ai envie d'y croire.

2 commentaires:

Maya@NYC a dit…

Your blog reminds me of "Le Journal d'Anne Frank": you are transporting us with you into the small daily details that make life. But I know this "ending" will be a happy one. It has to be. Thank you for a well-written/thought/felt blog.

Marvin the Martian a dit…

And you call me a good writer? Man - I enjoy and look forward to reading you everyday.

On a side note, your PEPSI comment reminded me of a comment I heard in Washington one day regarded the clothing brand GAP. Apparently GAP means Gay and Proud, Go figure!

Marwan-