Du caaaalme...
La prochaine fois qu'on me demande :
1. si je suis encore là
2. quand et comment je compte partir
JE HURLE !
Les rumeurs les plus diverses circulent sur le rapatriement des étrangers : les femmes et les enfants d'abord, le Sud d'abord, les vieux et les malades d'abord, les résidents à l'étranger d'abord, ceux qui peuvent payer leur retour à Paris d'abord... en bref, n'importe quoi mais moi d'abord ! Ou alors moi, mais à telle et telle condition, dans quelques jours, si mon arrière-cousin par alliance peut venir aussi, etc.
Je m'énerve de ce qui m'amusait il y a encore une semaine : la capacité des libanais à inventer des informations de toutes pièces... Il y en avait tellement sur Zizou, de purs délires made in Lebanon ! Mais j'ai trouvé la parade : après tout, l'ambassade de France ne répond pas, et le site du Quai d'Orsay n'affiche aucune information précise sur l'organisation du rapatriement. Je m'évertue à le répéter au téléphone, sur msn, en live.
A la maison, la sobhiyé (intraduisible - c'est la visite du matin) des dames d'Ashrafieh ne s'est pas interrompue. Leur blabla m'avait distraite jusqu'ici, mais je commence à souffir du syndrôme du huis clos : je sature d'entendre les mêmes histoires, les hôtels qui affichent complet, les dizaines de milliers de personnes à évacuer, l'inconscience des uns et des autres, etc. Surtout, je n'en peux plus des personnes effarées de constater que les écoles de leurs enfants sont envahies par les réfugiés de Dahiyé. Et de ces dames terrifiées à l'idée d'héberger si près des barbus, leurs voilées et leur rimbambelle d'enfants. Mais j'aime encore les commentaires du type : "Joumblatt a bien parlé... Je ne me souviens pas de ce qu'il a dit... Mais c'est celui qui a le mieux parlé... We7yétik !" (sic svp).
Sinon, la réponse que nous redoutions hier est arrivée : le gaz, les réserves de pétrole, une base militaire à Tripoli, un dépôt de vivres... Le port de Beyrouth a encore été touché, et la New TV (ou la NBN) s'est fait un plaisir de nous montrer deux cadavres en train de brûler. Sympathique réveil. J'ai dormi comme un loir, mais j'étais aussi fatiguée en ouvrant les yeux qu'avant de les fermer.
Heureusement, le Net fonctionne encore.
Le ciel est à nouveau tout gris. Les déflagrations continuent. L'Orient (quotidien francophone) de ce matin préconisait l'achat d'actions de Solidere (société qui a privatisé, en partie rasé et en partie reconstruit le centre-ville - mais c'est encore une autre histoire libanaise, longue et compliquée) : la société n'est plus endettée, elle a plein de cash et 3 millions de m² de terrains à vendre. Partout, on commence à voir ceux qui profitent de la situation actuelle : des pharmaciens qui commencent à organiser la pénurie de médicaments, aux taxis qui demandent 800$ pour un trajet Beyrouth-Damas (habituellement à un maximum de 50$), en passant par les journalistes qui vendent cher leurs scoops. Je comprends les uns, désapprouve les autres, et me demande ce que j'aurais fait si j'étais dans la même situation.
J'essaie vainement de trouver une solution, fût-elle passée (comment aurions-nous pu éviter ça ?) ou future (comment allons-nous nous en sortir ?). Je ne vois pas d'issue.
A part le temps... et voir venir...
Je sors.
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