Nounou
Notre nounou vient de partir. Elle n'en pouvait plus du huis clos, de la ville trop calme, et de se retenir de pleurer.
J'ai réussi in extremis à l'empêcher d'attendre un service (taxi collectif) dans les rues désertes. Je viens de l'accompagner à la station de bus de Dora, où elle a pris un minibus blanc bondé qui partait vers le nord. Elle l'a fait patienter pour revenir me dire au revoir mais, dans sa précipitation, elle s'est trompée et a salué le conducteur d'une autre voiture. J'ai failli rigoler, mais elle avait l'air perdu et les larmes aux yeux. Je suis descendue l'embrasser en lui faisant promettre de revenir nous voir au plus tôt. Je l'ai laissée partir avec un grand sourire et un pincement au coeur.
Notre nounou a 75 ans. Elle est un monument culinaire et affectif familial. L'âge l'a rendue très pragmatique : depuis quelques années, et pour moins se fatiguer, elle utilise un séchoir pour préparer le barbecue.

Comme pendant la guerre (d'avant), les radios font un excellent travail d'information. Sot Lebnen et Lebnen el horr (Voix du Liban 93.3 Mhz et Liban libre 102.3 Mhz) diffusent en permanence des annonces de tout genre : X habite seul et peut héberger une famille de 10 personnes ; l'école Y a besoin de couches et de vivres ; l'hôpital Z cherche un donneur du groupe O+. Un enfant de 40 jours est bloqué dans un village dont tous les accès ont été bombardés : nous sommes de retour à l'ère pré-industrielle et plusieurs régions ne sont accessibles qu'à pieds.
Au retour, j'ai fait un détour par le terrain qui a été touché ce matin. C'est en fait le carré situé à droite, deux blocs avant Soulier Gérard. Les bandes jaunes que les policiers ont tendu à l'entrée n'ont pas empêché les journalistes d'y pénétrer : j'ai l'impression que nous sommes également agressés par des hordes de caméras qui, parfois, n'accordent aucun respect à l'intimité de la douleur. La perforeuse est pulvérisée.
Notre nounou vient d'arriver chez elle, saine et sauve. Joie.
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