Les coqs de Mar Mitr
3h46 : quelque part dans la nuit, un coq chante à pleins poumons. Dans le lointain, une deuxième voix semble lui répondre et ils entament ensemble un concert de cocoricos endiablés. Hormis eux, pas un bruit. Pas même le miaulement d'un chat. On dirait bien que personne dans la ville, à part moi, ne semble trouver curieux d'être si matinal. Je me suis baladée en plusieurs aller-retour, d'un balcon à l'autre, et je peux certifier qu'il y a peu de gens qui parcourent les rues d'Ashrafieh, un mardi soir, à cette heure nocturne. J'en conclus que je suis certainement la seule à avoir envie d'en découdre avec un coq qui m'empêche d'aller retrouver le marchand de sable et me fait regretter le doux hiver de Beyrouth, lorsque les vitres sont closes et qu'il fait bon s'endormir, sans craindre le sifflement des moustiques en rase-motte au-dessus du lit ou le chant des coqs des voisins qui déchire la nuit par la fenêtre grande ouverte.
Et dire que, dans deux jours, en fermant les yeux après avoir admiré le dernier scintillement de la tour Eiffel, j'aurai sans doute une pensée affectueuse pour ces coqs citadins, dont on peut se demander à l'issue de quel étrange parcours ils se sont retrouvés à pavaner, j'imagine avec fierté, au milieu d'une cour exiguë, entre un vieil immeuble pittoresque menacé d'une démolition imminente et une tour flambant neuve. Un peu comme les quelques vieux que l'on voit encore jouer à tawlé, assis à l'ombre d'un immense ficus ou au milieu d'un trottoir, indifférents à la frénésie de la ville autour, témoins tranquilles et incongrus d'un temps révolu où Beyrouth devait avoir le charme d'un village de commerçants et d'entrepreneurs, résidant dans des maisons à toit rouge dont le jardin, bordé de bougainvillées, regorgeait de ces arbres fruitiers que l'on découvre aujourd'hui avec surprise, comme un clin d'oeil du passé, dans les dédales des rues peu passantes.
Moi, si j'étais un coq beyrouthin, je penserais avec envie à la fraîcheur de la montagne libanaise en ce début d'automne et pesterais de me contenter de moustiques en guise de vers. Je penserais à la batterie de mes frères élevés à la chaîne dans des contrées lointaines et rêverais de révolution pour mes semblables. Et très certainement que, après avoir picoré mon dîner au son des klaxons et entamé ma nuit à la lueur des rares néons qui éclairent les rues de la ville, je me réveillerais pour apprécier, avec un étonnement un peu émerveillé, le calme précédent la clarté de l'aube. A ce moment très précis, et qu'importent les voisins trop proches, lève-tôts ou couche-tards, je sais que je chanterais également du fond de mon âme, à la fraîcheur de la brise matinale et au scintillement des étoiles au-delà des cimes de béton.
Mes hommages, messieurs les coqs. Et puis bon Eid, si vous le célébrez. C'est l'heure de la prière des uns et du sommeil des autres.
Et dire que, dans deux jours, en fermant les yeux après avoir admiré le dernier scintillement de la tour Eiffel, j'aurai sans doute une pensée affectueuse pour ces coqs citadins, dont on peut se demander à l'issue de quel étrange parcours ils se sont retrouvés à pavaner, j'imagine avec fierté, au milieu d'une cour exiguë, entre un vieil immeuble pittoresque menacé d'une démolition imminente et une tour flambant neuve. Un peu comme les quelques vieux que l'on voit encore jouer à tawlé, assis à l'ombre d'un immense ficus ou au milieu d'un trottoir, indifférents à la frénésie de la ville autour, témoins tranquilles et incongrus d'un temps révolu où Beyrouth devait avoir le charme d'un village de commerçants et d'entrepreneurs, résidant dans des maisons à toit rouge dont le jardin, bordé de bougainvillées, regorgeait de ces arbres fruitiers que l'on découvre aujourd'hui avec surprise, comme un clin d'oeil du passé, dans les dédales des rues peu passantes.
Moi, si j'étais un coq beyrouthin, je penserais avec envie à la fraîcheur de la montagne libanaise en ce début d'automne et pesterais de me contenter de moustiques en guise de vers. Je penserais à la batterie de mes frères élevés à la chaîne dans des contrées lointaines et rêverais de révolution pour mes semblables. Et très certainement que, après avoir picoré mon dîner au son des klaxons et entamé ma nuit à la lueur des rares néons qui éclairent les rues de la ville, je me réveillerais pour apprécier, avec un étonnement un peu émerveillé, le calme précédent la clarté de l'aube. A ce moment très précis, et qu'importent les voisins trop proches, lève-tôts ou couche-tards, je sais que je chanterais également du fond de mon âme, à la fraîcheur de la brise matinale et au scintillement des étoiles au-delà des cimes de béton.
Mes hommages, messieurs les coqs. Et puis bon Eid, si vous le célébrez. C'est l'heure de la prière des uns et du sommeil des autres.