From Bamako
Depuis mon dernier post, j'ai parcouru un nombre effarant de kilomètres. J'ai fait mes adieux au centre-ville de Beyrouth alors que les manifestants s'éparpillaient et que la cérémonie des funérailles de Pierre Gemayel commençait. J'ai depuis passé 48h à Paris, 24h à Berlin, et 72h à Bamako.
Le décalage culturel me surprend donc tous les matins, à la sortie de l'hôtel Rabelais. Ici, le sol est rouge et le sable, bien qu'imperceptible, envahit tout : l'atmosphère, le bitume, les bureaux et même la tignasse de mes cheveux rendus rêches par la sécheresse. Etonnamment, Bamako me rappelle tantôt Paris, et tantôt Beyrouth. On y parle français, libanais, et une foultitde d'autres langues allant du Bambara au Peul en passant par le Malinke et le Dogon. Deux ponts relient les rives "gauche" et "droite" du Niger : ils sont empruntés dans des sens uniques et opposés aux heures de pointes. Les manguiers portent de nombreux fruits encore verts, mais qui remplaceront bientôt les bananes dans ces récipients de tout genre, qui tiennent en équilibre sur le sommet du crâne, et que les femmes semblent porter avec une facilité qui ne peut que déconcerter une citadine qui peine systématiquement à transporter son ordinateur à bout de bras.
Les gens sont partout. Assis au bord de la route, astiquant leur vélo ou examinant le moteur de leur voiture, ils forment une masse humaine dense, nébuleuse et colorée. Ils vont, viennent, et s'agitent en transportant avec eux toutes sortes d'objets inattendus (des planches de bois ou des posters de Jennifer Lopez). Des hordes de vieilles motos défilent en permanence dans le désordre le plus absolu. Les rues n'existent pas toujours, et la ville ressemble par de longs moments à un immense marché en plein air. T-shirts, boubous et dechdéches forment à mes yeux des spectacles aussi extraordinaires que la fresque de Mohamed Al-Durah, que mon guide m'a déjà fièrement pointée du doigt, ou que la publicité d'Orange, qui rachète le réseau local Ikatel et tapisse la ville des affiches d'une célèbre griotte.
Au cours de la journée, dans les bureaux où je me rends, le va-et-vient est également incessant. Entre deux entretiens, je suis toujours surprise de croiser une paire de chaussures, signe que l'on prie dans l'étroitesse du couloir que je suis sur le point de traverser. Avec mes talons qui martèlent le sol, j'ai l'impression de perturber un moment sacré, mais la personne que je croise, homme ou femme, poursuit généralement sa prière, l'air indifférent, à genoux sur le sol et la tête tournée vers la Mecque. Parfois, il ou elle me regarde d'un air que j'estimé être malheureux, et j'ai envie de me confondre en excuses. Dans le malaise diffus qui m'envahit, je me raccroche à mes documents et évite les regards. Le reste du temps, je déverse des tonnes de "wa 3alaykoum as-salam" à ceux qui prennent un certain plaisir à me saluer en arabe. Parfois, je pousse jusqu'au traditionnel "wa ra7mat-ou allah wa barakatihi"...
La journée s'écoule de 7h à 1h du matin à une vitesse effrayante. Mais malgré l'agitation environnante, le temps d'ici est encore plus paresseux que celui de Beyrouth. Avec mon rythme parisien, je me sens fonctionner à un tempo supérieur, et semble bouleverser les habitudes autochtones en brassant des tonnes imaginaires d'air chaud. J'aimerais pourtant avoir l'indolence de me coucher au soleil, comme certains, et contempler de mon banc de bois la route de cette 2e plus grande ville d'Afrique après Kinshasa : le Mali comprend 12 millions d'habitants pour une superficie trois fois supérieure à la France, mais aux 2/3 désertique. Les nuits y sont presque fraîches en ce moment, et les moustiques pullulent à toute heure du jour comme de la nuit. Au-dessus de mon lit pend une immense moustiquaire que je ne me résous pas à utiliser. Après ma dose quotidienne de wifi, je m'endors en laissant le soin au petit croquis de la Tour Eiffel de veiller sur mon sommeil.
Dehors, en dépit de l'heure tardive, la vie continue, en couleurs, en musique, et toute en jeunesse...
Le décalage culturel me surprend donc tous les matins, à la sortie de l'hôtel Rabelais. Ici, le sol est rouge et le sable, bien qu'imperceptible, envahit tout : l'atmosphère, le bitume, les bureaux et même la tignasse de mes cheveux rendus rêches par la sécheresse. Etonnamment, Bamako me rappelle tantôt Paris, et tantôt Beyrouth. On y parle français, libanais, et une foultitde d'autres langues allant du Bambara au Peul en passant par le Malinke et le Dogon. Deux ponts relient les rives "gauche" et "droite" du Niger : ils sont empruntés dans des sens uniques et opposés aux heures de pointes. Les manguiers portent de nombreux fruits encore verts, mais qui remplaceront bientôt les bananes dans ces récipients de tout genre, qui tiennent en équilibre sur le sommet du crâne, et que les femmes semblent porter avec une facilité qui ne peut que déconcerter une citadine qui peine systématiquement à transporter son ordinateur à bout de bras.
Les gens sont partout. Assis au bord de la route, astiquant leur vélo ou examinant le moteur de leur voiture, ils forment une masse humaine dense, nébuleuse et colorée. Ils vont, viennent, et s'agitent en transportant avec eux toutes sortes d'objets inattendus (des planches de bois ou des posters de Jennifer Lopez). Des hordes de vieilles motos défilent en permanence dans le désordre le plus absolu. Les rues n'existent pas toujours, et la ville ressemble par de longs moments à un immense marché en plein air. T-shirts, boubous et dechdéches forment à mes yeux des spectacles aussi extraordinaires que la fresque de Mohamed Al-Durah, que mon guide m'a déjà fièrement pointée du doigt, ou que la publicité d'Orange, qui rachète le réseau local Ikatel et tapisse la ville des affiches d'une célèbre griotte.
Au cours de la journée, dans les bureaux où je me rends, le va-et-vient est également incessant. Entre deux entretiens, je suis toujours surprise de croiser une paire de chaussures, signe que l'on prie dans l'étroitesse du couloir que je suis sur le point de traverser. Avec mes talons qui martèlent le sol, j'ai l'impression de perturber un moment sacré, mais la personne que je croise, homme ou femme, poursuit généralement sa prière, l'air indifférent, à genoux sur le sol et la tête tournée vers la Mecque. Parfois, il ou elle me regarde d'un air que j'estimé être malheureux, et j'ai envie de me confondre en excuses. Dans le malaise diffus qui m'envahit, je me raccroche à mes documents et évite les regards. Le reste du temps, je déverse des tonnes de "wa 3alaykoum as-salam" à ceux qui prennent un certain plaisir à me saluer en arabe. Parfois, je pousse jusqu'au traditionnel "wa ra7mat-ou allah wa barakatihi"...
La journée s'écoule de 7h à 1h du matin à une vitesse effrayante. Mais malgré l'agitation environnante, le temps d'ici est encore plus paresseux que celui de Beyrouth. Avec mon rythme parisien, je me sens fonctionner à un tempo supérieur, et semble bouleverser les habitudes autochtones en brassant des tonnes imaginaires d'air chaud. J'aimerais pourtant avoir l'indolence de me coucher au soleil, comme certains, et contempler de mon banc de bois la route de cette 2e plus grande ville d'Afrique après Kinshasa : le Mali comprend 12 millions d'habitants pour une superficie trois fois supérieure à la France, mais aux 2/3 désertique. Les nuits y sont presque fraîches en ce moment, et les moustiques pullulent à toute heure du jour comme de la nuit. Au-dessus de mon lit pend une immense moustiquaire que je ne me résous pas à utiliser. Après ma dose quotidienne de wifi, je m'endors en laissant le soin au petit croquis de la Tour Eiffel de veiller sur mon sommeil.
Dehors, en dépit de l'heure tardive, la vie continue, en couleurs, en musique, et toute en jeunesse...
3 commentaires:
La 3ème voie pleure , prie et croit au miracle pour ne pas sombrer dans le désespoir ... L'impression de se faire voler son pays pour la xième fois ....!!!
J'ai mal à mon pays . Toi aussi ???
un peu en retard certes, j'ai decouvert ton blog
jp m'en avait deja parle
heureuse de te savoir en prepetuel voyage
l'Afrique me manque profondement
au cas où t'aurais un moment, viens faire un tour parmi les bombes, apres une pause en septembre, je me suis remise a poster des textes...
a bientot peut-etre
A Nadine Chehade!!!!!!!!J'ai parcouru avec un reel plaisir ton texte,je vais le placer dans mes "Favoris"pour le lire attentivement, jepourrais alors te donner mes impressions.BRAVO.Il faut continuer.mona karam
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