Back from Dubai
Je me suis donc dépêchée... Et comme souvent, mon corps a voyagé plus vite que mon esprit : je me suis endormie dans un avion à CDG 2F, et me suis réveillée dans l'air moite du bout d'habit. Mes amis étaient bien au rendez-vous, et nous étions tous un peu surpris de nous retrouver là, comme par hasard. Il m'a fallu plusieurs heures pour chasser un certain sentiment d'étrangeté par rapport à ces visages familiers que je voyais dans un cadre totalement inconnu.
Mais les événements se sont enchaînés à une vitesse telle que, au bout de 24 heures, j'étais moi-même étonnée de répondre "hier" à la question "quand es-tu arrivée ?". En temps normal, "hier" est banal, un peu pareil à demain, et légèrement différent d'aujourd'hui, mais jamais aussi contrasté que lors d'un déplacement.
En l'espace de quelques heures, nous avons été au Méridien, au Sheraton et au Rotana, les hôtels ayant la particularité d'être seuls autorisés à servir des boissons alcoolisées. Le bout d'habit est une ville à taille encore humaine dans le gigantisme ambiant : il règne une certaine animation dans ses rues que traversent des voitures, plusieurs vélos et quelques piétons. A Dubaï par contre, rien de tel. Le flot de voitures y est aussi continu que les tours en construction. La nuit, les grues au sommet des buildings pointillent le ciel de petites lumières rouges. La ville a un côté mégaloPhotos, gigantesque, démesuré, et comme hors de ce monde. On peut y skier dans un hangar ou se faire surprendre par la pluie dans les allées d'un mall. Les gratte-ciels qui rivalisent de hauteur ne semblent pas émaner d'un besoin réel, et encore moins d'une somme de besoins qui s'inscrivent dans le temps, et qui marquent durablement les étapes d'évolution d'une société. En l'absence de ce continuum historique, il ne subsiste qu'une immense artificialité qui s'étend sur plusieurs kilomètres, le long de l'avenue à 12 voies du Cheikh Zayed. Le cheikh Zayed bin Sultan el-Nahyan était le premier président des Emirats, et l'on peut régulièrement voir sa photo s'afficher sur d'immenses panneaux.
Les Emirats Arabes Unis (EAU) sont une fédération des 7 Etats de Abu Zabi (Zabi signifiant Oryx), Dubaï, Sharjah (Al-Châriqa), Ajman, Um al Qaywayn, Ras el Kahyma sur le Golfe Arabo-Persique et Al Fujaira sur la mer d'Oman. Abu Zabi est la capitale, et le seul émirat à disposer de revenus pétroliers qu'il redistribue aux six autres. Anciennement sous contrôle britannique, l'ensemble a acquis son indépendance en 1972. C'est à la fois étonnant et très éloigné de ce que l'on pourrait imaginer. La population actuelle des pays du Golfe compte près de 75% de non-émiratis. Dans aucun restaurant, je n'ai pu commander mon plat en arabe.
Dans ce contexte, le plus difficile à expérimenter était l'authenticité.
Elle existe pourtant bien dans le café arabe, non torréfié, servi vert et bouillant, et dans l'odeur duquel on peut distinguer le mélange de cardamone, d'eau de rose et de safran. Il a tout le goût du café et, pour le bonheur de mes papilles, l'amertume en moins. Je pense en souriant qu'il pourrait s'agir là d'un véritable café "éthique" / "équitable" à commercialiser en Europe sous le label Max Havellaar.
L'authenticité existe également dans les rues de Deira, quartier Est de Dubaï, longue péninsule entre la Dubai Creek et le Golfe Arabo-Persique, cernée de barques et de bateaux de tout genre où la vie se poursuit, comme sur tous les docks, jusque tard dans la nuit. Les habitants des ruelles étroites sont tous indiens ou pakistanais, travailleurs pauvres et immigrés dont le linge pend dans la rue, le long des murs, et qui se réunissent à l'air libre, comme dans tous les quartiers populaires du monde. A Deira, un brouhaha permanent règne, et l'on nous observait parfois avec un peu d'étonnement. Par les portes largement ouvertes, on pouvait distinguer un intérieur dépouillé mais souvent surpeuplé. Et là, parmi la foule masculine, parmi tous ces hommes à la peau sombre, parmis leurs shalwar camiz blancs venus tout droit de Peshawar ou de Bombay, il y a quelques femmes. Elles sont parfois voilées, souvent africaines, et tranchent par leur déhanchement avec la masse dense et fantômatique qui les entoure. A Deira, on peut boire du lait de coco à même la noix : après avoir fait la tournée des hôtels luxueux de Dubaï, et après avoir vu Borj el Arab (ie, la tour des Arabes, bâtiment en forme de voile érigé sur la mer, dont Wikipédia prévoit la rentabilisation dans 400 ans), c'est un plaisir sain et indescriptible de flâner dans cette quasi-banlieue (en plein centre) où les immeubles ne dépassent pas les 6 étages et la rue 5 mètres de large, avec une noix de coco verte, percée, et surmontée d'un chalumeau blanc...
Mais il n'y a pas de mots pour dire le désert, ni pour expliquer le plaisir de marcher pieds nus dans le sable encore chaud, et d'admirer le coucher du soleil assis à cheval au sommet d'une dune dorée. Pouvoir ensuite se baigner au clair de lune, dans une piscine-oasis au milieu de ce désert, sans avoir froid, tenait d'un rêve que ne réussissaient pas à entamer le tourisme de luxe des 2 chameaux, du faucon et des hommes en deshdasha (ie, robe blanche) avec un Nokia dernier cri dans la poche. Savourer l'espace et l'immensité du silence est justement ce qui manque dans la ville toute proche.
Voici Dubaï en 1960...
... et Dubaï aujourd'hui.
3 commentaires:
Hello Nadche!
bon retour. Emouvantes, vos retrouvailles!
A tous je conseille le sultanat d'Oman, qui n'est pas un pays du Golfe, qui a garde beaucoup d'authenticite comme tu dis, d'une beaute epoustouflante, avec une vieille ville toute blanche semee de minarets turquoizes de la secte abbadite (si mes souvenirs sont bons). Inoubliable.
Et l'Inde, la mere de tous, est juste en face...
bises, a demain pour feter l'architecte et ses trente ans d'edification!
Caro
Bravo Nadche pour la perseverance et l'effort pour poster quand meme a 1h55 du matin..
Tres bien le passage a Deira pour voir les autres facettes du pays.
Tu devrais ecrire (entre autres) pour des guides touristiques . tu transmets bien en quelques lignes l'essentiel .
Ca fait un bon moment que je lis ton blog :) I have to say it's very interesting :)
Je suis un peu curieuse. T'as ecris 'En l'espace de quelques heures, nous avons été au Méridien, au Sheraton et au Rotana, les hôtels ayant la particularité d'être seuls autorisés à servir des boissons alcoolisées.', c'est lequel des 4 Sheraton(s) que tu as visite ici?
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