Du Liban aux Balkans
Ce blog semble avoir ses adeptes. Ca me touche. Force m'est toutefois de constater que le compteur (cf. bas de page) m'indique une baisse de fréquentation constante et implacable (près de 30% à date). Mais je préfère l'intimité des petits groupes, même si je déplore qu'on oublie mon pays au moment où le plus dur reste encore à faire.
Dans quelques jours, je pars pour la Bosnie. Je ferai une escale à Zagreb, pour me rendre ensuite à Banja Luka en voiture (3h). Atterrir à Sarajevo impliquait 6h de route, en raison des routes montagneuses. Je pars ensuite au Kosovo, après une escale de 12h à Paris. Le premier trajet m'enthousiasme : je ris du fait que la géographie m'empêche de titrer "From Beirut to Sarajevo". Le deuxième trajet me semble absurde : je me rappelle ensuite qu'entre Beyrouth et Jérusalem, New York et la Havane, Nicosie Nord et Nicosie Sud, le chemin est tout aussi complexe.
Pendant longtemps, la Croatie, la Bosnie, la Serbie, le Montenegro, le Kosovo, la Macédoine et la Syldavie se brouillaient dans mon esprit et se confondaient sur ma carte Michelin de 1991. Pays : Yougoslavie. Capitale : Belgrade. Puis, nous avons remplacé le Larousse de 1982 par celui, tout en couleurs, de 1995. J'y ai découvert un mot nouveau : Libanisation. Je cite : "Processus de fragmentation d'un Etat, résultant de l'affrontement entre différentes communautés. Synonyme : Balkanisation". Depuis ce jour, les Balkans représentent pour moi une force d'attraction et de répulsion simultanée.
Fort heureusement, le Petit Robert de 1993, acquis en 2003, distinguait les deux termes. Libanisation (1985) : Phénomène par lequel un pays connaît une transformation qui le fait ressembler au Liban, où les différentes ethnies, religions, etc. s'affrontent violemment, causant une véritable guerre civile. L'Histoire, mon enfance et toute la guerre (d'avant) se résument en quelques mots, culminant en trois lettres et un point : "etc.". Je préfère décidément le Robert au Larousse. En France, des amis m'ont fait découvrir les films d'Emir Kusturica, et j'ai acheté le DVD du très poignant No man's land.
En 1999, à Montréal, j'ai rencontré une jeune yougoslave à la recherche de son identité. En voyage au moment de la guerre qui allait faire (et fait encore) éclater son pays en morceaux, elle se retrouvait sans le vouloir au centre d'un véritable imbroglio juridique : le passeport dont elle s'était servie pour arriver au Canada n'avait plus aucun sens. Elle n'avait pas pu retourner dans un chez elle en voie de non-existence. Depuis, partout ailleurs, elle se retrouvait de facto apatride et dans l'illégalité. Ce n'est qu'aujourd'hui que je réalise pleinement toute l'ampleur du drame.
En 2006, bloggeuse comme tant d'autres, j'ai pioché "Fax from Sarajevo" dans ma bédéthèque. Ervin Rustemagić, éditeur indépendant, y raconte le basculement de sa vie en mars 1992, alors qu'il était récemment revenu s'installer à Sarajevo. A l'époque d'avant Internet, pris au piège au sein d'une folie meurtrière, cet homme témoignait en envoyant des fax réguliers à ses amis de l'étranger. Il y a peu, France 2 rapportait la commémoration de milliers de morts musulmans, massacrés par leurs voisins chrétiens. Certains voyaient en Milosevic un héros, d'autres un criminel de guerre. Au cours de 224 pages, moi, je n'ai vu qu'une étrange similitude avec ce que mon pays a vécu ce dernier mois. Là-bas, on ne lançait pourtant pas de tracts avant de démolir les habitations. Mais dans le fond, je me demande en quoi le fait qu'il existe un cran supérieur de barbarie rend l'horreur de l'échelon inférieur plus supportable. Je ne peux que répéter : croire que l'on peut séparer la guerre de l'abomination relève soit de l'illusion, soit du mensonge.
Et là encore, je ne veux ni remonter le temps, ni décortiquer les responsabilités pour imputer la faute à X ou à Y. A mes yeux, il n'y a pas une guerre plus acceptable qu'une autre. Peut-être (et à peine) des bilans un peu moins lourds de conséquences. Mais dans tous les cas, on en traîne les séquelles pendant plusieurs générations. Dans les films, un couple de jeunes amoureux finit toujours par dépasser les différences pour sceller la réconciliation.
"Israel releases Hassan Nasrallah after realizing it got the grocer".
Je ris. Et je pense à l'histoire que cet homme racontera à ses petits-enfants... Pas besoin d'emphase : j'imagine le décor, les gestes, la voix ; je l'imagine en train de narrer ; il détecte des rires incrédules, et je le vois aller chercher une copie jaunie du Nahar pour prouver la véracité de ses dires ; son public n'en croit pas ses yeux et scrute tantôt la photo, tantôt ses rides ; le groupe se dispersera en pensant que c'est tout de même incroyable. Je suis aussi nostalgique d'un passé tranquille que je n'ai pas connu, que d'un futur paisible que j'ai peur de ne pas connaître.
Lufthansa annonce la reprise de ses vols sur Beyrouth. Serait-ce possible ? Le blocus persiste pourtant : même à distance, il m'étouffe encore. Au départ de Beyrouth, via Damas (en voiture) ou Amman (en avion), tous les vols affichent complet. Autour de la FINUL II et du chapitre 6 1/2, les polémiques se poursuivent. Israël a déjà violé la 1701, tandis que Bush appelle l'Iran à prendre les résolutions de l'ONU au sérieux. En échange de l'abandon de leurs ambitions nucléaires, il promet d'autoriser les iraniens à acheter du matériel aérien et agricole made in USA. Dans tout ça, je me demande ce qui est vraiment sérieux, et je me résous, une fois de plus, à attendre : le 31 août, l'Iran rendra sa réponse.
En surfant sur le site du Nouvel Obs, cette image m'a frappée. De quel avenir rêve donc mon jeune concitoyen au regard si dur?
3 commentaires:
Oui, oui, Nadine, tu as tj tes fans!!!!
Si tu veux rendre visite à l'absurde yougoslave d'un point de vue suédois, je te conseille "Bosnian Flat Dog" de Max Anderson, humour noirissime (il faut s'accrocher)...
THV
Vous savez si bien raconter...
Je suis impatient de connaître la suite de votre vie...
J'ai été trés choqué mais pas vraiment étonné par l'indifférence
de la "Communauté Internationale"
et donc de la France vis-à-vis de
l'agression dont a été victime votre pays.Comme si on avait peur
de désigner le pays agresseur...
Et c'est bien de ça dont il s'agit...On a peur de critiquer Israêl et de se faire taxer d'antisémitisme.
Ce terrorisme intellectuel m'insu
Bonjour, Je ne participe pas au conflit actuel mais j'ai participé à divers conflits à travers le monde au titre de militaire français dont deux séjours au Liban (pas dans la FINUL).
Voila ce qui me dégoute désormais c ce que je n'avais pas voulu voir en activité, p..... de devoirs de réserve oblige.
Aujourd'hui le cessez le feu est rentré en vigueur. Les enfants dont des membres ont été arraché n'ont pas retrouvé leurs jambes ou bras. Les enfants brulés souffrent encore. les enfants morts le sont toujours. mais les hommes cessent les tirs. Jusqu au prochain conflit. Je me bats pour c enfants, à travers des images chocs et des textes tout autant pour tous les enfants victimes de tirs. En tant qu'ex soldat je c que c évitable. Voila l'adresse du blog je m'y explique plus en détail svp faite aussi qq chose. De mon coté je me bat aussi le but étant des résolutions ferment et définitive contre le massacre des enfants (j'ai pas dit des chiens mais d'enfants) merci de laisser un post.
http://pas-les-enfants.spaces.live.com/
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