Dans le noir... de nouveau
Ce soir, nous n'avons pas de courant. Comme j'avais repris la bonne habitude de charger / décharger la batterie de mon ordinateur, je me retrouve d'emblée avec un maigre 48%. Cendrillon a oublié de rentrer avant minuit.
Sur mon dernier post, un seul commentaire. J'ai l'impression que, depuis que j'ai annoncé mon départ, j'écris dans le vide : à moi qui ai pourtant toujours écrit dans le vide, ça fait un drôle d'effet ; un peu comme si je n'étais déjà plus là.
L'Ambassade de France m'a confirmé mon départ : RV jeudi matin à 9h30 au Lycée français de Beyrouth. Nous serons encore un petit millier à partir sous bonne escorte. Le départ du bateau ne se fera pas avant la fin de l'après-midi. Vendredi matin, au terme de 24h de voyage, je serai au port de Larnaca, à Chypre. Samedi, ou dimanche au plus tard, je serai dans mon (autre) chez moi, à Paris, et lundi, de retour au boulot après 3 semaines de vacances forcées. Je suis déçue de ne pas inaugurer Beyrouth-Paris en vol direct.
Aux dernières nouvelles, les discussions sont en cours à l'ONU. Blair pense qu'elles aboutiront assez rapidement à un cessez-le-feu, ce qui signifie peut-être qu'un accord est réellement imminent. Chebaa semble discutable mais non prioritaire. Dans cette histoire, je ne comprends toujours pas pourquoi Israël ne rend pas caduques les raisons d'être du Hezb : si l'on s'obstinait moins à refuser de faire jurisprudence, tous les débats sur la légitimité de la "résistance" auraient pu être clos depuis belle lurette. Aujourd'hui, si les israéliens voyaient les images du Liban Sud, des immeubles effondrés à Dahyé et de ce cortège funéraire qui a laissé tomber ses morts aujourd'hui, surpris par des bombardements tout proches, penseraient-ils encore que la violence de Tsahal est légitime ? Même l'ancienne ligne de démarcation, que j'ai découverte en 1990, n'était pas aussi gravement détruite à l'issue de 15 ans de conflit. Aujourd'hui, Amir Peretz a menacé d'élargir son offensive au-delà du Litani. En le voyant, je me suis demandé s'il savait qu'il s'affichait dans la tenue-symbole des partisans du Hezb : en veste et chemise, mais sans cravate.
Au Sud, le dernier bar de Tyr a fermé ses portes : des tracts ont appelé au couvre-feu, menaçant de prendre pour cible tout ce qui circulerait dans les rues à partir de 22h, êtres et véhicules confondus. Pourtant, Israël a encore répété qu'il ne s'agit pas de désarmer le Hezb, mais de l'éloigner de ses frontières. La seule chose vraiment claire demeure l'absence d'une ligne de front séparant nettement les belligérants.
Livni (ministre israélienne des Affaires étrangères) a demandé à Siniora de ravaler ses larmes et de prendre plutôt des mesures efficaces. Mais il faut penser aux journées de cet homme (un homme) depuis 28 jours : on peut le voir, inlassablement et des dizaines de fois par jour, discuter, convaincre, négocier, parler encore et toujours, répéter son crédo et sa volonté de voir vire le Liban, pensant déjà à re-bâtir ce qu'il s'est acharné à re-construire pendant plus de 15 ans. Livni ignore sans doute que son prénom, Fouad, est aussi l'un des plus beaux mots de la langue arabe pour désigner un organe vital : le coeur.
Loin des combats, une journaliste libanaise de l'AFP a été expulsée de Syrie pour avoir correctement traduit les propos de l'espagnol Moratinos :
"Le chef de la diplomatie espagnole Miguel Angel Moratinos a affirmé jeudi à Damas que les responsables syriens avaient 'promis d'exercer toute leur influence sur le Hezbollah' en vue de parvenir à un cessez-le-feu".
Un officiel, syrien et anonyme, a nié l'existence de tels propos.
5 commentaires:
90 ans plus tard et tjs d'actualité
Les miens se meurent, et moi, vivant encore, dans ma solitude, je les pleure
Mon peuple est mort et je suis ici, dans ce pays lointain, errant au sein d'un peuple joyeux qui dort sur des lits moelleux.
Mon peuple est mort d'une mort douloureuse et je suis ici qui vit dans l'abondance et en paix Je ne vis pas avec mon peuple persécuté, qui marche dans le cortège de la mort vers le martyre
Je suis ici, de l'autre côté de l'océan qui vis dans l'ombre de la quiétude et dans la lumiére de la paix
Je suis si loin de l'arène misérable et de l'affliction que je ne puis même pas être fier de mes larmes
La mort de mon peuple est une accusation silencieuse; c'est un crime fomenté par les têtes des serpents invisibles c'est une tragédie sans texte
Mon peuple est mort tandis que ses mains se tendaient vers l'Orient et l'Occident, tandis que ses orbites vides regardaient fixement la noirceur du firmament
Il est mort en silence car l'humanité est restée sourde ses appels.
Il est mort parce qu'il n'a pas sympathisé avec ses ennemis,il est mort parce qu'il plaçait sa confiance dans l'humanité tout entière, parce qu'il était les fleurs piétinées et non le pied qui écrase.
Il est mort parce qu'il était un bâtisseur de paix, parce que les monstres de l'enfer se sont levés, ont tout détruit, parce que les vipères et les enfants des vipères ont craché du poison dans l'espace où les saints Cèdres, les roses et les jasmins exhalent leur parfum
Extraits de "mon peuple est mort" - Kh. Gibran - 1916
Bonjour Nadine,
c est Fabien, j ai demandé des nouvelles de toi à Ludmila qui m avait dit que tu te trouvais à beyrouth,et elle m a donné l adresse de ton Blog.
Tes textes sont trés beaux, vraiment,et dégagent une trés grande force. Je pense bien à toi, et j 'espère à trés bientôt.
Fabien
Bonjour Nadine,
Quelques mots de Casablanca pour les enfants du Liban, que m'ont chuchoté les images qui ne nous quittent plus, et surtout la couv du Nouvel Observateur (3 au 9 août).
L’enfant est immobile. Les traits bien dessinés. Un pyjama aux couleurs douces. Sûr que sa mère a brossé le soir ses cheveux châtains. Les a doucement caressés pour faire plaisir à ses doigts. Puis l’enfant s’est endormi en rêvant au lendemain. Jouer avec des éclats de rire et de voix. Essayer de fixer le soleil au risque de s’éblouir. Taper dans le dos de son ami. Se rouler dans la poussière avant de tracer une rivière avec un vieux bout de branche assez pointu. Chasser une mouche audacieuse de sa petite main.
L’enfant est étrange. Il n’a plus cette véhémence à coups de Wallah pour expliquer qu’il ira sur la lune et qu’il en ramènera des morceaux de lumière. Il n’a plus peur des fantômes, du noir et des chiens. Sa main est tendue vers ce quelque chose qui ne lui appartient plus. Et la terre peut être rude, le sable chaud ou la neige mordante, peu lui importe, ses pieds sont déchaussés.
A la télé on repasse pour la millième fois le cirque du monde avec ses tigres vieillis, des clowns qui tombent, se font mal mais se relèvent très vite et quelques chevaux fatigués de refaire à chaque fois sur piste un petit tour du monde. Peut-être le magicien et son lapin vont-ils réussir à lui soustraire un sourire… Mais l’enfant a l’air blasé. Fini les tours de passe-passe et les singes qui obéissent à leur maître en sautillant. La magie n’opère plus.
L’enfant ne se laissait pas faire. Distribuait ses câlins au compte goutte ou alors se pendait lourdement au cou. Trépignait d’impatience et criait sa colère. Détestait tomber malade et courait comme un fou, les bras en aile d’avion. Aimait le pain tartiné de beurre et saupoudré de sucre, le lait tiède et la limonade glacée. Les dessins animés où l’on se bat en héros façon mangas, où l’on ressuscite, même tué, même tombé de haut, même écrasé.
L’enfant est extirpé, tâté, secoué, porté, brandi. Son ventre déborde des couleurs pastel de son pyjama sale. Du jaune pour un soleil très doux, du saumon pour une chambre à rêver, une ligne bleue pour le mener à la lune. N’essuie pas la poussière qui encombre ses cils. L’enfant refuse de me regarder.
Salut Nadine,
Je voulais juste te dire comme Islander que tu n'es pas seule et que bcp de monde lis ton blog.
Je te souhaite bcp de courage et de patience pour ton voyage vers Paris.
"J'ai l'impression que, depuis que j'ai annoncé mon départ, j'écris dans le vide"
Pas du tout, je consulte ce blog au moins deux fois par jour.
Je me tais car j'ai honte pour mes con-citoyens européens qui ont refusé la Constitution Européenne, ce qui rend la diplomatie européenne impuissante.
Avec comme conséquence, que d'autres s'arrogent le droit d'agir en notre lieu et place, au mépris de nos propres valeurs :
Peretz: 'Israel fighting war of free world against terror'
San (Belgium).
I'm not in free world.
I'm in freezed world.
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