Calme, sans luxe ni volupté
En-dessous des sandwiches au menu, l'ardoise du Torino portait l'inscription : Shlomo go home. Ca m'a fait rire... C'est vrai que l'on pourrait se croire dans un film de science-fiction, envahis par des extra-terrestres féroces et méchants. Encore que je ne voie pas l'ombre d'un happy end.
Vers 17h30, je suis sortie me promener. Les rues d'Ashrafieh n'ont jamais été bondées le dimanche après-midi, mais là, nous aurions presque pu pique-niquer sur l'avenue Charles Helou...
Les rues secondaires étaient tout aussi désertes. Devant les séquelles de la guerre (d'avant), et en pensant aux destructions de ces derniers jours, j'ai été effarée par l'ampleur de la reconstruction à venir. Pourtant, je ne reconnaîtrais pas ma ville si tous les immeubles criblés de balles venaient à disparaître : effacer l'impact de ces milliers d'explosions, c'est nous donner une ville amputée de son histoire, à l'image de ce centre-ville trop propre que seuls les touristes arrivent à s'approprier.

J'aime cette ville, ses balcons en avant et ses larges terrasses. J'aime ses arcades et les rares toits rouges qui y subsistent encore, autant que je déteste les tours de béton et la folie immobilière des entrepreneurs. J'aime le mélange de modernité et de décrépitude, et j'aime à penser que nous aurions pu ressembler à la Rome du Moyen-Orient. Je suis nostalgique d'un passé glorieux que je n'ai pas connu. J'aime aussi ces innombrables femmes légèrement vêtues qui s'affichent sur les panneaux publicitaires, et qui tranchent si nettement avec un environnement le plus souvent bigot... A Beyrouth, j'ai toujours l'impression de déambuler au sein de contradictions dont je suis la seule à m'étonner.
J'aime cette ville, le bout de ma rue et, malgré tout ce que je leur reproche, les quartiers de mon enfance.

Vers 19h, le come back du Secrétaire Général du Hezb s'est fait, comme la dernière fois, par la Manarisation des autres chaînes. Je suis étonnée du calme qui suit sa déclaration et le bombardement de Haifa. Changement de stratégie ou concentration sur le Sud et la Bekaa ? Pourtant, les réserves de pétrole de l'aéroport de Beyrouth ont fait l'objet d'un nouveau raid : voilà 3 jours qu'elles brûlent sans discontinuer.

Dehors, j'entends encore les avions, mais le bruit des générateurs de courant est plus perceptible. La nuit est moite et presque trop calme pour inciter à dormir. Je souris doucement en pensant à mes innombrables amis qui ont déserté leurs appartements dans la capitale pour aller trouver le sommeil dans les montagnes libanaises.
En dépit des gros titres dans les journaux et des slogans télévisés, je n'arrive toujours pas à croire que c'est, de nouveau, la guerre : pour moi, nous faisons l'objet d'une agression ultra-violente que j'essaye d'écourter en rêvant de l’avenir. Un avenir qui ressemble à celui qui s'écrivait encore hier dans les rues de la capitale…
2 commentaires:
je remonte doucements vos textes dans le temps. Attention "Nadche", celui-ci me paraît incarner une certaine Libanaise. Un mélange subtil de beauté et de nostalgie, emprunt parfois de fatalité libanaise. Beyrouth est belle mais elle se pare souvent de façon vulgaire, surtout dans son centre ville. Les paradoxes font partie de sa beauté. Je comprends aussi votre attachement aux scarifications qui demeurent sur les murs, comme une mémoire vive. Mais je les lis aussi comme une marque au fer rouge de l'espace et de l'architecture de la ville, comme un acte indélébile d'une violence, d'un territoire au même titre que les affiches, les croix, les croissants qui s'étalent sur les murs. Ces impacts leste la ville et l'empêche de s'évader de son territoire. A choisir entre les crépis roses du centre ville et les murs en dentelle, je choisis qd même cette dernière qui a plus de sens selon moi.
A paris, sur le boulevard saint Michel vers à Port Royal, sans doute avez vous remarqué les impacts de balles de la Libération.
Erratum : ma seconde phrase ci-dessus n'a pas de sens, elle est amputée d'un mot et ne devais apparaître. Je n'en reconnais pas la paternité.
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